Partagez

  • del.icio.us
  • zabaldu
  • aupatu
  • meneame
  • digg

Si vous pensez que l'article est intéressant, vous pouvez aider à le diffuser

Zure iritzia / Su opinión

Participez

Prix

  • Artetsu Saria 2005

    Arbaso Elkarteak Eusko Ikaskuntzari 2005eko Artetsu sarietako bat eman dio Euskonewseko Artisautza atalarengatik

  • Buber Saria 2003

    On line komunikabide onenari Buber Saria 2003. Euskonews y Media

  • Argia Saria 1999

    Astekari elektronikoari Merezimenduzko Saria

Cadre d’étude historique de l’église Saint-Jean-Baptiste de Larrau en Haute-Soule (I/II)

Valérie STEUNOU

D’après les résultats de la recherche d’un master Cultures et Sociétés, Spécialité Recherche en Histoire de l’Art Médiéval, U.P.P.A., L’église Saint-Jean-Baptiste de Larrau dans son environnement, U.P.P.A., 2009

Les donations du lieu de Larraun à l’abbaye bénédictine de Sauvelade : enjeux d’un territoire

Les premières mentions de Larrau remontent à la fin du XIIe siècle et se trouvaient dans le cartulaire de Sauvelade, abbaye bénédictine béarnaise fondée en 1127 par Gaston IV le Croisé, vicomte de Béarn. Les éléments historiques concernant Larrau et appartenant au cartulaire mystérieusement disparu au XVIIIe siècle, furent recopiés ou rapportés par deux historiens locaux du XVIIe siècle, Arnaud d’Oihenart et Pierre de Marca. Ce dernier en 1639 rapporte en extrait un fragment du cartulaire de Sauvelade : « ...Il ne se peut rien dire de plus précis, non plus que de la fidélité de cet acte ne doit estre révoquée en doute, puisqu’encor aujourd’hui on en voit l’éxécution toute entière, au moyen de la possession du Prieuré de Larraun, que l’abbaye de Saubalade retient devers soi. »1

D’après Jacques Romatet2, tandis que Pierre de Marca rapporte un extrait de la donation, Arnaud d’Oihenart a retranscrit et analysé une cinquantaine d’actes du cartulaire, conservés à la B.N.F. dans le volume 114 de la collection Duchesne3 pour une partie, le volume de Carsalade du Pont4, archives particulières, en contenant l’essentiel.

Par la suite, les auteurs reprendront ces sources soit en combinant les transcriptions des deux historiens du XVIIe siècle, soit en élisant l’un ou l’autre des extraits.

Le 24 juin 1174, Arnaud de Laguinge, Marie Bertrande son épouse, Guillaume Arnaud Raimond, son fils, donnèrent à Gérard, Abbé de Sauvelade, le lieu de Saint Jean de Larrau, Sanctus Johanes de Larraun. Le seigneur de Laguinge octroya aux moines, le droit de faire paître leurs animaux sur toutes ses terres.5 Arnaud de Laguinge associe à sa donation sa femme et son fils pour leur salut, donato pro animae. Cette démarche place cet acte selon un schéma classique de rapports entre seigneur laïc et communauté monastique pouvant se caractériser, notamment, par des donations pieuses. Le lieu appelé Saint-Jean de Larrau est donné à l’abbaye dans toutes ses limites, assorti d’un droit de pêche et de chasse ainsi que les pâturages pour leurs troupeaux. Le terme locum incite à entrevoir un lieu constitué essentiellement de ressources sauvages et non mis en valeur. Cette hypothèse semble se confirmer par la Bulle du pape Grégoire IX datée de 1235.6 Celle-ci ne donne aucune précision sur la fonction du lieu, qu’il s’agisse de grange, d’hôpital, de prieuré, de pâturage, de maisons, de dîme etc., et c’est le seul cas qui ne soit pas cité précisément parmi la trentaine de possessions que détenait alors le monastère béarnais. La dépendance souletine est mentionnée sous la transcription suivante : « In olorensi pago Larrane ».

Détail larrau dans Guienne & Gascogne par B.A. Jaillot, Gouvernement général de Guienne et Gascogne, Paris, 1733

Détail larrau dans Guienne & Gascogne par B.A. Jaillot, Gouvernement général de Guienne et Gascogne, Paris, 1733.
Photo: Valérie Steunou.

Il est, en revanche, bien précisé et confirmé que la donation est perpétuelle et les descendants ne pourront venir en réclamer l’usage « ...et confirmamus ut habeant et possideant praedicti fratres libere in perpetuum, ita ut nullus ex nostras generatione usaliter praesumat ibi aliquid requirere. » L’objet de l’échange de la donation n’est pas précisé. Cette pratique nobiliaire entre laïcs et communauté monastique était courante pour trouver refuge ou bénéficier de la protection d’un saint par l’intermédiaire de l’abbaye. Elle entraînera l’insurrection des héritiers des donateurs au XIIe siècle qui se sentiront privés de leurs droits sur les terres autrefois données au monastère par leurs pères.7 Pour cette raison, Arnaud de Laguinge stipule qu’il n’y aura pas de revendication possible par les descendants. Le choix d’effectuer la donation le jour de la nativité de saint Jean-Baptiste pourrait renvoyer au respect de la règle de saint Benoît. Celle-ci spécifiait que les donations soient faites dans les abbayes bénédictines au nom de saint Jean-Baptiste ainsi qu’en celui de l’abbé présent.8 Cette hypothèse vient, en outre, confirmer qu’à cette date, l’abbaye n’est pas encore tournée vers la règle de Cîteaux.

Dans le même temps, Arnaud de Laguinge intercéda auprès de Lobaner de Xaber pour donner tout son héritage omnen hereditatem correspondant au col d’Eraitze et à la chapelle sanctus Johanes qu’il avait acheté à Berden de Larrau. En échange, Arnaud de Laguinge s’engagea à assurer la sécurité des moines de Larrau et à subvenir aux besoins de la veuve Anderequina et de sa fille.

En 1178, Sanche de Larrau, fils de Berden et d’Anderequina se fit moine à Sauvelade amenant en dot ses possessions de Larrau.

Ainsi, par le biais de donations successives à la fin du XIIe siècle, les trois seigneurs de Larrau se démunissent de leurs possessions et contribuent à accroître le temporel de l’abbaye de Sauvelade, lui permettant de devenir l’acteur de la reconstitution et de la mise en valeur de ce territoire. Le nom même du lieu, Larrau, renvoie à sa situation topographique.9

Ce territoire avait certainement, au départ, un intérêt pour ses terres de pâturages et permettait à l’abbaye de disposer d’une zone de passage stratégique par le port de Larrau pour accéder à Pampelune depuis Izaba ou de rejoindre Jaca, Huesca et Saragosse par la vallée du Roncal, facilitant un accès à ses possessions en Aragon.

La création d’une dépendance monastique matérialisée par la création d’un prieuré ou hôpital se fait, semble t-il, à Larrau, dans un contexte cistercien. Si Sauvelade est officiellement affiliée à l’ordre de Cîteaux en 128710, il apparaît en fait qu’elle en applique la règle dès le début du XIIIe siècle.11 Aucune source directe n’éclaire sur la mise en place d’un prieuré ou d’un hôpital à Larrau au XIIIe siècle. Il est prudent d’accorder une valeur relative à l’interprétation de M. Grosclaude qui voit dans la mention fr. Sancius de Castayn prior de Appagieg, lors la demande d’affiliation à l’Ordre de Cîteaux, la désignation du prieur de Larrau. Si nous retenons son hypothèse d’une mauvaise retranscription du mot appagieg pour aphatia signifiant abbaye en langue basque, cela confirme l’existence d’un prieuré, à la fin du XIIIe siècle.12 Le prieuré de Larrau correspond vraisemblablement au type de prieurés crées par les moines à partir de terres cultivables. Faisant office de résidence des moines et de lieu d’accueil, le prieuré comprend en général une chapelle, des terres, des forêts, moulins qui s’organisent autour de ce dernier. Il a un rôle de contrôle et d’encadrement de la population à travers cette présence monastique.

Fonction hospitalière : voies de communication, pastoralisme et échanges économiques

La fonction hospitalière du lieu apparaît en 1455 par le biais d’un acte13 relatant l’intervention du prieur de Larrau à la Cour d’Orde, assemblée générale du pays de Soule.14 Guillem Arnaud de Harentche de la paroisse d’Abense-de-Haut15, prieur de Larrau, assiste à la Cour d’Orde présidée par le châtelain de Mauléon, gouverneur du pays de Soule pour le vicomte de Foix-Béarn.16 Il réitère la validité d’une ordonnance de 1395 exemptant le pays et l’hôpital de toute imposition. Constatant la mise en péril de l’hôpital, l’ultimatum est lancé de déserter les lieux si cet accord n’est plus respecté. L’argumentaire est plutôt centré sur l’intérêt du peuplement et le maintien des résidents en ce lieu de dangers au pied du port et d’une frontière ennemie alors que la Soule payait une redevance au roi de Navarre de 10 vaches et 4 saumons à titre relationnel. Ce pacte fut renouvelé en 132717, témoin des relations constantes au Moyen-Age entre la Soule et la Navarre, principalement par les deux axes privilégiés des vallées de Roncal et de Salazar.18 L’échange du maintien de cette convention et du paiement des arrérages fut concrétisé par le fait que le gouverneur de Navarre s’engagea à les autoriser à exporter « du pain et du vin suffisamment pour leur provision, de même que le faisaient les autres sujets du Roi vivant Outre-Ports ».19 Ce trafic à caractère économique lié au pastoralisme permet d’entrevoir pour l’hôpital de Larrau une structure en rapport avec les échanges commerciaux. L’implantation et la mise en valeur relativement tardive du lieu de Larrau par les cisterciens de Sauvelade ne permettent pas d’associer son hôpital au réseau des voies jacquaires, du moins comme objet principal de sa création dans une région qui, dès les premières décades du XIIe siècle, est le terrain d’action des ordres hospitaliers. Il semblerait plutôt que la nécessité de cet établissement soit directement favorisée par l’exploitation du territoire impulsée par les moines de Sauvelade et relayée par un substrat local qui s’est développé. L’imbrication entre un système économique pastoral et le développement d’un réseau hospitalier a été mis en évidence par Antonio Durán Gudiol à propos de l’hôpital de Sainte-Christine du Somport : « la politique d’élevage de Sainte-Christine favorisa (et fut aussi favorisée par) l’installation d’un réseau d’assistance, hospitalier sur le territoire du Béarn ».20 L’hôpital de Larrau trouverait dans cet exemple, des similitudes de motivations de sa fondation.

Le bourg de Larrau, Larrane

Le bourg de Larrau, Larrane.
Photo: Valérie Steunou.

L’hôpital de Larrau s’inscrirait ainsi dans la lignée des hôpitaux de proximité correspondant à la politique de captation de pâturages associée aux voies d’accès, vecteurs de création d’hôpitaux dans le massif d’Iraty sur les ports de Cize.21 L’oratoire de Saint-Sauveur d’Iraty, auquel était rattaché un hôpital dès le XIIIe siècle, est au cœur de cet immense domaine forestier et pastoral. Les documents ont permis de replacer la chapelle comme une étape le long de cette voie intégrant le massif dans le fonctionnement socio-économique de l’ordre de Saint Jean de Jérusalem.22 L’hôpital de Larrau intègre ce vaste réseau de communication et l’ordre cistercien, par la dépendance souletine de Sauvelade vient, assez tardivement, au XIIIe siècle, s’insérer dans ce territoire déjà investi par les grands ordres monastiques représentés, notamment, par les figures emblématiques de Leyre et de Roncevaux.

Hôpital et grange : au cœur d’une stratégie d’exploitation, l’empreinte cistercienne en Haute-Soule

Larrau, dépendance périphérique de Sauvelade a pu être le terrain d’action d’un système d’exploitation cistercien. Ce dernier correspondrait à un schéma composé d’un noyau central et d’avant-postes éloignés, sur le modèle du patrimoine de Gimont et de Bonnefont-de-Comminges qui présentent un type de structure discontinu et éclaté mais très lié aux grands axes de communication.23 Un document du XVIe siècle laisse entrevoir le possible héritage d’un système médiéval d’exploitation du territoire de la grange de Larrau : « Premièrement, lesdits voisins manans et habitants dudit lieu et grange de Larraun accordent et confessent ledit seigneur abbé de Sauvelade être seigneur direct dudit lieu de Larraun et que comme tel lui appartienne et appartient la juridiction spirituelle et temporelle et correction sur les personnes biens et causes audit lieu sans avoir égard audit procès et ordonnance dicelui... ».24 Si l’accroissement de granges s’est constitué dans la logique de quête de terroirs où les conditions naturelles furent propices à des productions spécifiques, nous ne disposons cependant pas d’études approfondies, sur cette question, concernant Sauvelade. L’abbaye aurait-elle mis en place un réseau complémentaire économique entre granges polyvalentes et granges spécialisées ?

L’acte de 1562 nous renseigne également sur l’exploitation indirecte concernant le moulin, terres et bordes appartenant à l’abbé de Sauvelade mais qui sont exploités par des laïcs : « Item a été transigé accordé et appointé entre lesdites parties que le moulin et les terres compagnes et trois bordes qui sont au terroir dudit lieu et grange seront tenus et possédés en nom de precaire25 et non a autre titre par lesdits habitants dudit lieu pour tant de temps qu’il plaira audit seigneur abbé... ».26 Depuis 1315, le chapitre général admettait que les bonnes terres et possessions puissent être confiées à des laïcs à vie ou à ferme perpétuelle, si l’utilité d’une telle location est manifeste ».27

Il est précisé que les biens seront partagés et divisés selon l’ancienne coutume par le prieur et les claviers entre les voisins, manants et habitants, ces derniers devant s’assurer des réparations nécessaires et du bon fonctionnement du moulin, des bordes et cayolars cités. Ce mode de fonctionnement fut privilégié par les cisterciens qui cherchèrent à profiter d’une rente ou d’un revenu annuel sur un moulin détenu par un autre propriétaire notamment à cause des frais de réparations et d’entretien coûteux.28 Il semble qu’à Larrau soient juxtaposés ce mode d’exploitation et le type de gestion plus courant au Moyen-Age où les biens sont divisés en parts possédées par divers propriétaires.

Nous constatons la mainmise de Sauvelade sur ses biens à Larrau, encore au XVIIIe siècle, puisque l’abbé de Seney en 1729 missionne des experts pour estimer le produit annuel des biens « abandonnés aux habitants par les transactions de 1562 et 1547. Par l’acte du 5 avril 1741 les habitants concluent un accord entre eux afin que les nouveaux habitants puissent entrer dans le partage des terres concernées moyennant l’entretien des moulins seigneuriaux « Il a été convenu unanimement dans la présente assemblée que les fruits, profits et revenus des trois campagnes29 seront et appartiendront en commun à tous les habitants tant anciens que modernes (...) qui sont établis depuis ladite répartition ».30 En 1766, les conditions énoncées sont réitérées lors de la destruction du moulin à farine par un incendie.

Cadre originel de l’implantation cistercienne et organisation de l’habitat

Les textes des XVIe et XVIIe siècles attestent une structure sociale organisée et hiérarchisée de l’habitat. La cellule de base comprend la maison et son domaine. L’ensemble foncier se constitue d’une maison, d’un casau et de terres liées à la maison ou à la borde, ces dernières devant se situer dans le terroir. La borde renvoie à une signification de bâtiment d’exploitation, annexe de l’ostau. Sur l’ensemble des quinze maisons concernées dans le texte de 154031, sept sont dénommées maison et huit ostau.32 L’ostau n’est pas associée obligatoirement à la propriété d’une borde. À l’inverse, la maison ou ostau est toujours liée à la désignation du casau, renvoyant à la structure primitive d’enclos et de maison formant un ensemble indissociable de « casal-noyau ».33 Cette réalité n’exclut pas une seconde : celle de la tenure commandée par la maison matérialisée par la borde et ses terres nommées bordar34 dans les textes de la seconde moitié du XVIe et du XVIIe siècles.35

Mise en évidence des maisons situées dans le bourg, citées dans l’acte de 1540 d’après le cadastre napoléonien de 1830

Mise en évidence des maisons situées dans le bourg, citées dans l’acte de 1540 d’après le cadastre napoléonien de 1830.
Photo: Valérie Steunou.

Larrau est une terre possédée par l’abbaye de Sauvelade, qui, peu à peu, concède des terres seigneuriales à des fins économiques. Cette fraction du domaine est octroyée à des membres de la petite aristocratie locale Sala, Jauregi équivalent des domecs béarnais, nuance faite que ce dernier désigne l’homme noble tandis que Jauregi renvoie également à la structure de l’etxe en tant qu’élément initial d’intégration dans la communauté. Bereterreche peut correspondre à une abadie initiale, maison de l’abbé laïc souvent accolée à l’église et originellement située au cœur même du noyau aggloméré (fig.3). L’ensemble, formé par la maison Bereterreche et son enclos, a pu être partie intégrante d’une structure plus ample englobant l’îlot de l’église et du cimetière. La structure primitive s’est ensuite scindée en deux en dissociant la maison et l’église. L’examen sommaire des lieux semble indiquer qu’à l’origine, le binome église-maison Bereterreche ne devait former qu’un seul ensemble pouvant regrouper le prieuré, l’église ou chapelle, la maison du prieur et des moines. La maison pouvait disposer de quelques lits remplissant aussi la vocation hospitalière du lieu. Parmi les maisons identifiées au bourg, encore visibles de nos jours, la majorité sont citées dans le texte de 1540. La première de cette liste concerne celle de Sanx de Bereterreche36, el primo Mossen Sanx de Beretereche précisant son rang de noble, monseigneur, qui est ici associé à la signification du toponyme, « maison du prêtre ». Cette appellation identifie clairement la maison près de l’église, bâtie sur son domaine, assurant sa protection. Selon Jean-Baptiste Orpustan, elle pourrait tenir son nom de la première acquisition du lieu par l’abbaye de Sauvelade par le biais de la donation de 1174.37

Chaque îlot adopte des formes courbes irrégulières traduisant que la pente n’a pas été aménagée : « l’arrondi permettant aux voies de circulation interne d’aborder la pente en oblique et de contourner l’obstacle d’une forte déclivité ».38

Il est difficile d’avancer des résultats concluants concernant l’évolution morphologique et historique du village médiéval de Larrau correspondant à une classification précise. S’agit-il d’une sauveté reprenant un schéma primitif de village ecclésial qui prolonge cette idée d’habitat groupé sous protection ecclésiastique ? A quoi renvoie précisément l’héritage de Larrau, omnen hereditatem, mentionné lors de la donation d’Arnaud de Laguinge ? Il n’est pas rare qu’un lieu de culte préexiste à la sauveté, phénomène de village neuf qui constitue d’après Dominique Baudreu et Jean-Paul Cazes, un aspect de l’évolution immédiatement postérieure aux villages ecclésiaux.39 Le type d’exploitation de la grange de Larrau a, dans tous les cas de figure, joué un rôle certain dans la formation et l’évolution de l’habitat dans le bourg mais aussi dans le terroir. Manifestement, les granges ne se seraient pas établies dans des « déserts » absolus et étaient, à l’origine, cernées de petits habitats dispersés.40 La juxtaposition, à l’intérieur d’un même patrimoine, de plusieurs modes d’exploitation direct ou indirect qui évoluent probablement vers la seigneurie censière, a contribué à la concentration d’un habitat. Ce dernier, constitué de maisons à la structure sociale hiérarchisée sans doute, est la conséquence de la logique cistercienne de peuplement qui a maintenu des tenanciers le plus longtemps possible. L’organisation de l’espace agro-pastoral de Larrau serait le fruit d’une étroite collaboration entre religieux et laïcs qui implique l’imbrication des modes de fonctionnement. Cette coopération met en valeur un espace par le biais de l’exploitation comme moteur économique au sein d’un territoire d’intérêt stratégique en relation avec le territoire navarrais voisin.

1 Pierre de Marca, Histoire du Béarn, Ed. originale, 1639, consulté dans la réédition de V. Dubarat, Pau, TII, 1894-1912, p. 202.

2Jacques Romatet, Abbayes cisterciennes et prémontrées des gaves et de l’Adour au Moyen-Age, TER sous la direction de M.Charles Higounet, Bordeaux 1969.

3 Cartulaire de Sauvelade, Collection Duchesne, BNF, Paris, Vol. 114, fos 36 à 44.

4 Bibliothèque de Melle de Carsalade du Pont, héritière de feu Mgr du Pont, évêque de Perpignan, volume manuscrit Evêchés et Abbayes, archives particulières, fos 300-311.

5 Arnaud d’Oihenart, op.cit., f° 37

6 A.D.P.A., B. 864., copie datée du 27 janvier 1538 figurant en annexe du recensement des biens nobles de l’abbaye de Sauvelade effectué à cette date sur ordre d’Henri II d’Albret.

7 Catherine Lasserre, Le Cartulaire de l’abbaye de Saint-Jean de Sorde, Maîtrise d’histoire médiévale sous la direction de J.-P. Barraqué, UPPA, 1992, p. 78.

8 En 1174, l’abbaye de Sauvelade est encore bénédictine.

9 « La forme médiévale est l’étymon dont dérive le nom tant officiel que basque : larra-un, forme de composition de larre « lande » et terminaison locative basque « lieu de »... dénomination donnée par les utilisateurs saisonniers des zones pastorales : « lieu de lande à pâturage », puisque larre « lande » a gardé dans le vocabulaire des éleveurs basques le sens précis de « lande où l’on peut envoyer le bétail paître à la bonne saison », d’après Jean-Baptiste Orpustan, Toponymie Basque, Centre d’études linguistiques et littéraires basques, Presses universitaires de Bordeaux, 1991, p.150 ; Nouvelle toponymie Basque, Presses universitaires de Bordeaux, 2006.

10 Gallia Christiana, Instrumenta Ecclesiae Lascurrensis, T. 1, pp.199-200.

11 Michel Grosclaude, Seuvalada deu Larvath, Sauvelade, chronique d’un village béarnais, fascicule n°3 « Au temps de Gaston VII Moncade de 1230 à 1290 », Per Noste, Orthez, pp.32-35.

12 M. Grosclaude, op.cit., p. 6. Dans ce cas il pourrait s’agir d’une graphie gasconne altérée pour Aphezetxe d’après J.-B. Orpustan.

13 A. d’Oihénart, op. cit., coll. Duchesne, fos 43 R°/44 V°.

14 Cour d’Orde (orda : tocsin) ou Etats de Soule, chargée de toutes les affaires concernant les intérêts de la vicomté, convoquée au son du tocsin. Elle réunissait les deux assemblées, du Grand Corps (clergé et noblesse) et du Silviet (tout le reste de la population), d’après Jean-Marie Régnier, Histoire de la Soule, Ekaina, Saint-Jean-de-Luz, 1991, pp. 131-134 : « La cour d’Orde se présentait comme la rencontre de deux institutions, l’une d’origine féodale, le Grand Corps, l’autre purement populaire, le Silviet ». Voir M. Grosclaude, La coutume de Soule, Ed. Izpegi, 1993, p. 20.

15 Dr C. Urrutibéhéty, Pèlerins de Saint Jacques, la traversée du Pays Basque, Ed. J&d, 1993, pp. 226-230.

16 Gaston IV avait conquis le château de Mauléon en 1449, au nom de Charles VII, roi de France, se souvenant qu’en novembre 1339 Philippe VI avait octroyé à Gaston II de Foix le château et la vicomté de Soule, à condition de les reprendre aux Anglais, d’après J-M Régnier, op. cit., p. 155-156 ; A.D.P.A., E. 355 : lettre de Philippe VI ; L. Flourac « Lettres relatives au pays de Soule », S.S.L.A.P., 1889, p. 360.

17 A.G.N., caj. 6,53 : renouvellement du pacte entre le roi de Navarre et les souletins d’après J. Romatet, op.cit., sur les mentions de marchandises souletines dans les carnets de péages de Sangüesa, 1355-1362.

18 E. Goyheneche, Onomastique du nord du Pays-Basque, Bordeaux, 1966, p. 632.

19 A.G.N., caj. 16, 11, d’après J. Romatet, op. cit., p. 163.

20 Antonio Durán Gudiol, El hospital de Somport entre Aragón y Bearn (siglos XII y XIII), Guara editorial, Zaragoza, 1986, p. 28-29.

21 Hôpitaux de Ibañeta, Gorosgaray, Irauzqueta, Orisson.

22 Amaia Legaz, Systèmes pastoraux et société en Basse-Navarre du XIIIe au XVIIIe siècle : construction et transitions, Thèse de doctorat sous la direction de M. Benoît Cursente, Université de Toulouse II- Le Mirail, T1, décembre 2005, p. 65.

23 Mireille Mousnier, « Granges cisterciennes de la Gascogne toulousaine aux XIIe et XIIIe siècles, une dynamique spatiale originale », L’espace cistercien, colloque de l’abbaye de Fontfroide, 24-27 mars 1993 sous la direction de Léon Pressouyre, Comité des travaux historiques et scientifiques, Paris, 1994, pp. 194-195.

24 A.D.P.A., E2270, transaction entre l’abbaye de Sauvelade et Larrau sur le droit de juridiction. Estimation des biens que Sauvelade possédait à Larrau, 20 janvier 1562.

25 Au Moyen-Age, terre que l’Eglise met à disposition d’un laïc pour son exploitation contre un cens recognitif.

26 B. Barrière, op. cit., p. 6.

27 Bernadette Barrière, « Les patrimoines cisterciens en France. Du faire-valoir direct au fermage et à la sous-traitance. », op.cit., pp. 45-69.

28 Joséphine Rouillard, « Les cisterciens et l’eau. L’exemple de l’abbaye de Vauluisant aux XIIe et XIIIe siècles », L’eau conquise : pratiques et représentations - Séminaire de l’École Doctorale coordonné par Anne Conchon, 2005.

29 A.D.P.A., E 2270, Campagne ou bordar d’après le document de 1729.

30 A.D.P.A., E 2270, pp. 5-6.

31 Renouvellement de l’affièvement de 15 maisons de Larrau au monastère de Sauvelade le 30 janvier 1540, archive privée M. Accoceberry.

32 Indistinctement sous la forme hostau ou ostau désigne la maison en tant qu’habitation ou structure sociale selon les cas.

33 B. Cursente, Des maisons et des hommes, la Gascogne médiévale (XIe-XVe siècle), Presses universitaires du Mirail, Toulouse, 1998, p. 55.

34 Ibid., p. 453-454 : pourrait correspondre au mot « bordau » (lat. bordelum) béarnais et bigourdan rencontrés dans les textes, « mot construit sur le modèle de « casau » désignant l’ensemble organique composé de la borde et des terres qui lui sont liées ».

35 A.D.P.A., E.2270.

36 Bereterretxe en euskara officiel.

37 J.-B. Orpustan, « Renouvellement de l’affièvement de 15 maisons de Larrau au monastère de Sauvelade le 30 janvier 1540 », sous-presse.

38 M. Berthe, B. Cursente, « Présentation d’une grille de description des formes d’habitat villageois dans les hautes vallées pyrénéennes », Villages pyrénéens, Morphogénèse d’un habitat de montagne, CNRS, Université de Toulouse Le Mirail, 2001, pp. 171-178.

39 Dominique Baudreu, Jean-Paul Cazes, « Le rôle de l’église dans la formation des villages médiévaux. L’exemple des pays audois », Revue Heresis n°2, 1990, pp. 139-158.

40 M. Mousnier, op. cit., p. 199.

 

Opinion des lecteurs:

comments powered by Disqus
Eusko IkaskuntzaAsmozEusko Media